Association KAMAL KE DIL
Kamal ke dil "pour le coeur du lotus" : parce que le pauvre peut fleurir dans la vase du monde.

TEMOIGNAGES
Ils sont anonymes, nous ne savons rien d'eux, mais quelques secondes, parfois répétées tous les jours, ont traversées notre vie. Non pas par pitié ou pour les exposer aux médias, ce sont des témoignages de vie, parfois de mort. C'est pour leur donner une place dans une société qui les ignore, un espoir, un sourire. A travers  leur visage, leur corps meurtris, leurs peines, leurs joies, chacun de ces êtres mérite une pensée, une prière, car ils n'ont pas la possibilité de demander quoi que ce soit. Alors s'il vous plaît, pour chacun d'eux, au nom de tous les autres, de la foule des autres, prenez un temps pour penser à eux, pour les aimer, même si vous ne les connaissaient pas, (nous ne les connaissons pas plus que vous). Merci pour eux !

Toutes les photos qui illustrent les textes ne sont pas les personnes dont il est question dans les récits,
par respect pour les uns et pour les autres.

Voir aussi la planche contact de 32 photos noir et blanc prises dans la rue. cliquez ici !

Volontaire belge en 2009.

J'ai passé un mois à Bénarès en tant que volontaire pour Kamalkedil en septembre 2009 et j'ai été tellement heureuse de me rendre utile auprès des pauvres que j'ai décidé de repartir en novembre prochain.
Travailler avec Patrick Rancoule , le responsable de cette association est très enrichissant , il soigne les pauvres sans compter ce qui lui donne l'avantage d'être très apprécié auprès de cette population très défavorisée.
Ce n'est pas tous les jours faciles de soigner les gens dans la rue, sous un soleil de plomb et dans des endroits souvent sâles voir insalubres . Les gens souffrent d'un manque d'hygiène évident par l'absence d'eau potable et malheureusement ils n'ont que le Gange pour se laver et aucun moyen pour s'acheter du savon.
En me rendant auprès d'eux avec Patrick qui m'a montré comment soigner leurs multiples bobos( plaies, abces, furoncles, gale ) j'ai vraiment eu le sentiment de me rendre utile et j'ai reçu tellement de reconnaissance ...
Je dirais que cette expérience est exrêmement enrichissante mais qu'il faut partir là bas en étant bien dans sa tête et en parfaite santé, les conditions de travail n'étant vraiment pas faciles.
Je suis pleine d'admiration pour Patrick qui a décidé de passer sa vie auprès d'eux grâce à sa foi inébranlable.

Anne-Marie Demesmaecker

1- Seule sous la pluie et le soleil. Près de 3 mois pour arriver à envoyer cette jeune femme dans un centre ! Assise dans une des entrée de la gare, sous le plein soleil ou la pluie battante de la mousson, dans son simple sari sale, elle ne bougeait pas, à peine pour faire ses besoins devant elle dans le ruisseau, même pas pour aller chercher de la nourriture. A force de lui proposer un peu à manger, elle daignait accepter le peu de nourriture que nous lui offrions. Puis elle a demandé de l'eau à boire. Elle se vidait d'un trait une bouteille d'un litre. Ne parlant jamais, elle fut petit à petit apprivoisée, et c'est elle qui nous faisait signe pour avoir de l'eau. Une première tentative musclée pour la mettre dans un taxi avait échouée. Elle finit par accepter un jour de rejoindre d'autres femmes dans un centre. C'est donc avec patience, douceur et amour que le déclic put se faire. Rien n'est jamais perdu, il suffit d'être là, tous les jours, avec un geste, un sourire, pour que peu à peu l'argile se casse et laisse son coeur se laisser faire, se laisser aimer.

mendiant(e) dans la rue


corbeaux mouillés sur un tas d'ordure


un "ramasseur" d'ordures dans un caniveau. Les plastiques sont revendus au kilo.

 

2- Nu dans le ruisseau. Un cooli (un ouvrier de la gare) vient me trouver vers midi, alors que j'allais repartir. Il me dit qu'il y a un gars nu dans le ruisseau là-bas. Agacé, je lui dit que je n'ai pas le temps, qu'on verra demain, j'ai finit ma journée ! Et puis des mendiants, il y en a plein la rue, qu'est ce qu'il a de plus celui là ? Il insiste. C'est un peu comme la parabole de l'Evangile qui raconte l'histoire de l'ami qui vient réveiller le père d'une famille pour un peu de pain pour un ami qui vient d'arriver. Le père se lève non pour lui rendre service mais pour ne plus être ennuyé. De même, je finis par aller voir. En effet, à ma grande surprise et surtout à ma grande honte, je trouve un homme nu, couché en partie dans le ruisseau sale. Sale ! Le mot est bien léger. Comment le décrire ? Un espèce de ruisseau plein d'une vase noire d'eau croupie, pleine de détritus, de fruits et de légumes jetés. L'homme est très maigre, il a la diarrhée et se fait dessus. Je le connais de vue. Son état à dégénéré depuis les autres fois, et le fait qu'il soit sans vètements montre qu'il est passé au stade inférieur, il n'y a plus rien qui compte pour lui. Il ne demande rien, il est mourrant par la diarrhée et le refus de manger. Il est là, il attend, il laisse le temps passer, il "s'assimile" avec les ordures, il disparaît peu à peu dans les déchets du monde, c'est sa volonté !
Je lui demande de sortir de là, mais il me dit de partir. Je me met en colère : il se met davantage dans le ruisseau. Il se met dans ses excréments, sa tête est dedans mais ça ne le dérange pas, il sait très bien ce qu'il fait. Plus il pourra "descendre" dans la misère, plus il pourra correspondre à ce qu'il ressent au fond de lui : il n'est plus rien, pire, il n'est même plus un homme. Je lui dit que je vais rester là tant qu'il ne voudra pas sortir. Ma détermination le dérange, mais il ne cherche pas à bouger. Je n'ose pas me salir pour essayer de le tirer. Je m'aperçois que ma bonne volonté a ses limites. Pour lui, je n'irai pas jusque là. Je suis très mal à l'aise et je reste sans rien faire. Cela dure bien 20 mn. Un ouvrier de la gare arrive et lui demande de sortir en lui parlant en bengali. Il refuse toujours. L'ouvrier le prend de force par le bras, sans peur de se salir, lui ! Du coup, je me lève et je l'aide. On arrive à le traîner de force un peu plus loin, et on le couche sur un lit de feuilles de palmier, mais toujours près du ruisseau. Par miracle il accepte d'y rester. Assez peu de gens se sont arrêté pour une fois, la saleté les a dégoûté et ils ont préféré rester à distance.
Je ne reverrai plus cet homme. Est-il partit plus loin se cacher, loin de la gare, est-il mort (il n'en était pas loin) ? Je me disais que j'aurai peut-être du appeler un policier, car le suicide est interdit en Inde. Peut-être cela aurait permis que la peur de la Police le fasse réagir. Âme perdue ? J'espère qu'il aura pu trouver un peu d'espérance en la vie, qu'il aura choisit de se battre malgré tout. Combien sont-ils à choisir de se laisser mourir par désespoir ?
3- Morte sur un quai de gare. Les enfants de la gare m'accompagnent parfois sur les quais pour distribuer à manger. Ce jour là, l'un d'eux avait décidé, par amusement, de grimper sur mes épaules. Et nous faisions les quais ainsi, aux regards amusés des indiens. De sa hauteur, il me disait : "en voilà un là-bas", ou bien "et celui-là ?". Nous arrivons à hauteur d'une femme drapée dans son sari en train de dormir. Des groupes d'indiens sont autour, attendant un train. Tout contre, une boutique en planche où on peut acheter des gâteaux et de l'eau en bouteille. Le gamin me dit en plaisantant : elle est morte. Je lui dit que non, elle dort. Il descend de mes épaules. Je m'approche de la femme et tente de la réveiller pour lui demander si elle veut manger. Son corps est raide, d'un froid inhabituel. Le gamin n'avait pas tord : elle est bien morte. Je soulève le sari et voit une femme d'une 30e d'années environ, juste habillée de son sari, visiblement pauvre, les yeux entrouverts, mise à la porte de sa maison par son mari peut-être. Dans son baluchon, un autre vieux sari sale, une bouteille d'eau terreuse de la rivière, un sac en plastique tressé vide. Un bijou au nez et des boucles aux oreilles, peut-être en or, peut-être en toc. Elle est morte là, comme un chien. Sûrement descendue du train en fin de matinée (puisqu'une équipe du matin fait le même travail et ne l'a pas ramassée), elle s'est arrêtée de vivre sous le regard indifférent des autres. Pourquoi  la remarquer plus que les dizaines d'autres qui dorment sur le quai ? Elle aura été rejetée par le seul lien familial qu'elle avait, son mari, même s'il n'était pas le meilleur des amants. Elle est partie seule dans le monde, vers un avenir clos, sans espoir ni reconnaissance, pas même un regard de pitié. Elle sera morte sans personne, dans l'abandon le plus total, pire peut-être que de mourir caché, puisqu'elle était au milieu de la foule. Son enfer s'est achevé là, elle n'a pas eu la chance de rencontrer quelqu'un qui s'interesse à elle, ne serait-ce que quelques minutes. Combien sont-ils que nous ratons, que nous n'aidons pas, simplement parce que nous ne sommes pas passé quand il fallait ? ...


Enfants sur un quai de Bénarès


Les enfants de la gare d'Howrah


Femme seule qui vit dans la rue sans rien de plus que son vêtement et une couverture (photo prise en hiver)
4- Seule au monde. Elle est toujours là, à la même place, tous les jours. Couchée comme tous les autres, avec son sari gris sombre, qui n'a plus de couleur. On pourrait passer sans la voir. Comme la plus part, elle ne demande rien, elle ne mendie pas, elle ne vous regarde même pas dans l'espoir de croiser votre regard. Sa vie est là, seule, et elle n'attend rien de personne. Pourtant, tous les jours, en allant la voir, elle est étonnée de me voir. C'est moi qui cherche son regard et l'appelle.
Elle me découvre tous les jours comme une surprise. Comme si tous les jours étaient un jour nouveau, comme si hier et le jour d'avant n'avaient jamais existé, ou bien comme si chaque jour comptait mais ne voulait pas dire qu'il y aurait un lendemain. Elle s'assied et tend ses deux mains comme pour recevoir un présent. Elle sait ce que je vais lui donner. Deux petits samosas. Elle voudrait bien avoir le sac entier et me fait signe chaque fois. Je lui dit que non, que c'est aussi pour les autres. Pour elle il n'y a pas "d'autres", elle est seule au monde. Toute cette nourriture dans mon petit sac plastique (pour une 10e de personnes) ne peut être que pour elle ! Elle ne comprend pas pourquoi je le lui refuse chaque jour. Mais comment lui expliquer. En fait, on a l'impression qu'on parle la même langue, mais ce n'est pas le cas. Mais ça marche assez bien. Je lui donne ses deux samosas et lui demande si ça va. Elle me fait chaque fois un grand sourire, presque un rire, tant elle est heureuse de ma visite. Alors je plaisante un peu avec elle, je lui touche son épaule en lui disant "namaste" (ce qui veut dire bonjour ou au revoir). Elle est toujours un peu choquée que je la touche (les rapports entre hommes et femmes sont très distants, on n'a pas de familiarité avec une femme inconnue), même d'un geste amical sur l'épaule. Elle rit de ça et me sourit d'autant plus qu'elle voit que je suis son ami.

5- Ils recoivent mieux que nous ne donnons. Il était sur le bord de la rue, recroquevillé comme un enfant qui boude. Noir de crasse, ses habits n'avaient plus de nom ni de couleur. Sa peau non plus, elle était à l'évidence plus claire surement que ce noir. Ses cheveux ébouriffés, un sac de jute mal ficelé autour des reins. La tête dans les genoux, les mains pendantes, à moitié nu face à tous les gens qui passaient, rien ne le dérangeait, pas même les bruits des bus qui le frôlaient, ou les gaz d'échappements qui étaient à son niveau. Dans quel état était-il ? Drogué, alcoolique, malade ? Même pas, il était juste un de ces "pauvres" qui sont une ombre dans le paysage. Combien y en a-t-il dans la rue ? Si on ne regarde pas exprès, on ne sait plus. Ils passent inaperçu. Je le secoue et lui demande s'il veut manger. Il lève sa tête, le regard perdu dans un autre monde. Il connecte quelques instants avec un univers qui le traverse, qui n'est pas tout à fait le sien. Des hommes, comme lui, lui adressent la parole ! Comprenant que je veux lui donner de la nourriture, il se met un peu à paniquer, car il ne sait que faire. En quelques secondes il réagit et attrape un bout de sa chemise crasseuse et se l'arrange de façon à faire comme une nappe sur ses deux mains tendues. Un véritable cérémonial, digne d'un culte. Immense respect du pauvre pour ce qu'on lui donne ! Ses propres mains ne sont pas dignes de recevoir ce présent, il faut quelque chose qui serve de réceptacle. Qu'est-ce qui est le plus propre d'ailleurs ? Dans cette culture indienne, un vêtement est plus sain que la main. Ensuite, il dépose la nourriture près de lui. J'évite de rester trop longtemps pour qu'i n'y ai pas un attroupement de gens indiscrets (mais c'est si naturel chez eux ...) et je me tourne pour partir. Je n'attend ni remerciements ni quoi que ce soit de cet homme, je ne suis là que pour lui donner ce qui me semble nécessaire. C'est alors qu'il m'appelle, comme pour me demander autre chose. Et d'une lente inclination de la tête, les yeux fermés, il me salue en joignant les mains devant son visage pour me dire un merci qui veut dire bien plus que notre habituel "merci" de politesse. Je hais la politesse, parce qu'elle est souvent vide de tout sentiment, les mots ne veulent rien dire et sont devenus des réflexes. Dans cette salutation indienne, venant de ces pauvres d'autant plus, il y a obligatoirement un coeur qui parle, un prosternation de l'âme, on sait qu'il y a une infinie reconnaissance derrière ce geste. Que faire d'autre devant cela ? Rendre une rapide salutation et s'en aller vite, car comment pourrions-nous rendre un centième de ce qu'il vient de faire ?


Témoignage et réflexion sur le service. Ici.

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Un homme seul, typique de ceux que nous rencontrons au quotidien.


Les mains tendues, parfois entourée d'un tissus pour recevoir le plus dignement possible la nourriture. C'est presque du sacré !

 

Planche contact de 32 photos noir et blanc prises dans la rue.

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