Kamal ke dil "pour le coeur du lotus" : parce que le
pauvre peut fleurir dans la vase du monde.
LES
PLUS PAUVRES
Témoignage à la grande gare d'Howrah/Calcutta
en 2007
(premier service avant de venir à Bénarès)
Les personnes rencontrées font partie des plus pauvres
parmi les pauvres. Sans domicile ni famille, sans travail
ni argent, ils ou elles vivent seuls. Ils errent dans les rues
ou les gares à la recherche de nourriture dans les dépôts
d'ordures ou les restes des restaurants de rue. Vêtus
des seuls vêtements qu'ils avaient ou des tissus jetés,
parfois même de simples sacs de jute ou ... de rien du
tout, ils ne désirent rien, acceptent parfois un pantalon
ou une chemise, mais ne les garde pas toujours.
Leur histoire est souvent vague ou inconnue. Il est très
difficile de savoir d'où ils arrivent, pourquoi ils sont
là, s'ils ont des projets futurs. Ils arrivent par un
train et parfois repartent par un autre le jour même,
sans but. D'autres restent sur place et vivent cette vie depuis
15, 20 ans ou plus. Certains ont été mis à
la rue il y a un mois ou deux et vont mourir dans une semaine
ou deux à cause de la tuberculose, le sida ou des plaies
non soignées depuis des semaines. Ils arrivent d'états
voisins, plus pauvres, attirés par l'illusion de la grande
ville. Mauvaises récoltes, affaires de racket, dettes,
mais aussi peut-être à cause de mauvaises affaires
ou de vols, escroqueries, recherchés par la police ou
de quelques malhonnêteté qui a mal tournée.
Peu importe leur vie passée, leur vie est éphémère,
les rencontrer est "affaire de ce jour et non de plus tard",
demain ou la semaine prochaine. Les besoins, même anodins
sont parfois urgents et vitaux, ne supportant pas un "je
reviens tout à l'heure" : ils se déplacent
constamment et souvent ils ont disparus une heure plus tard.
Ils sont ailleurs, ils n'espèrent rien et n'attendent
rien de personne. A nous de leur donner TOUT, tout de suite
!
recherche de nourriture dans les détritus
vieille femme aux abords du temple
Pourquoi
sont-ils là ? En général, les femmes ont
été chassées par leur mari ou leur belle-famille,
les vieilles femmes veuves ont été abandonnées
par leurs enfants, les handicapés mentaux et/ou physiques
sont un poids pour la famille, ils sont laissés à
la rue pour survenir à leurs besoins seuls. Ils auront
peut-être plus de chance de survivre que de rester avec
les autres et mettre en péril le pauvre équilibre
famillial. La perte de travail (pas de chômage), un accident
empêchant de travailler, une cassure familliale, psychologique,
peuvent être la cause de leur présence dans la rue.
De nombreux enfants vivent dans les gares, ramassant les bouteilles
d'eau laissées par les voyageurs et qu'ils revendent au
recyclage pour 50 ct ou 1 Rs. Ils vivent en bande, plus ou moins
bien. Les actions auprès d'eux est plus complexes (ils
arrivent à se nourrir, ils ne sont pas seuls ou rarement,
ils se droguent quasiment tous à la colle, ...) et il est
préférable de travailler avec des organismes en
place (par exemple Don Bosco). Pour tous ces gens, savoir s'ils
ont fait les efforts nécessaires pour s'en sortir ou non,
s'ils ont cherché leur pauvreté ou si elle a été
subie, est une question qui ne se pose pas ! Le but n'est pas
de connaître leur vie ou de la juger, ni même de prévoir
une réinsertion.
Ce service est une aide ponctuelle, au jour le jour, une présence
humaine.
Dans
toute action il faut définir les besoins réels
et connaître leurs demandes, et non leur donner ce que
NOUS, nous pensons utile.
Ces gens-là ne réclament rien, ne mendient même
pas. A leur contact, on se rend compte que c'est surtout une
attention, un regard, un geste qui leur est nécessaire.
De la nourriture, un soin, sont des gestes qui permettent le
contact, mais sont bien souvent secondaires. Il est évident
que certains ont un réel besoin de manger, de boire ou
d'être soigné d'urgence. D'autres montrent des
petites blessures anciennes ou demandent un petit peu de nourriture
: à l'évidence, c'est pour qu'on s'occupe d'eux,
qu'on prenne un instant pour les écouter, les considérer.
Chaque cas est unique et il est important de prendre le temps
tous les jours d'observer l'évolution du moral ou de
l'état de santé de chaque personne. On ne peut
pas s'occuper de tous, des très pauvres et de ceux qui
le sont moins. Il y a donc "sélection" et le
faire est une démarche très délicate, douloureuse
et qui remet en question tous les jours le sens du service.
Un certain nombre de volontaire permet d'être présent
à des niveaux différents, de toucher davantage
de catégories de pauvreté, mais c'est toujours
difficile d'être là pour tout le monde !
Tous les jours, il faut prendre le temps d'arpenter tous les
coins et recoins, toutes les plate formes, même vides,
pour essayer de n'oublier personne. Et si à tel endroit
où nous ne sommes pas allé il y avait vraiment
quelqu'un qui avait besoin de notre sourire, de notre passage
? Et si c'était sa dernier journée de vie ...
et que par notre "gestion du temps" de ce jour-là
nous avons préféré laisser de côté
la possibilité d'aider quelqu'un ? Les plus pauvres sont
souvent ceux qui se cachent, ceux qui ne cherchent pas les endroits
les plus visibles...! C'est pourquoi des circuits sont organisés,
relativement petits pour pouvoir les assurés régulièrement.
On ne peut pas rayonner partout, mais au moins là !
L'expérience
seule affine notre regard, c'est pourquoi un minimum de temps
de service est nécessaire, si possible avec une pratique
antérieure dans des centres d'organisations humanitaires.